L’avis d’Adèle

La vie d’Adèle, le dernier long-métrage d’Abdellatif Kechiche, fait beaucoup parler de lui depuis sa projection sur grand écran et la bénédiction qu’il obtenu au Festival de Canne. Les critiques fusent de part et d’autres, entre les fervents défenseurs de ce film et les ardents détracteurs. Depuis sa première apparition au cinéma le 09/10/13, les commentaires prolifèrent. Palme d’Or 2013 au Festival de Canne, ce film tant attendu n’a pourtant réussi à satisfaire qu’une partie de son auditoire si impatient.

 

photographie: 20minutes.com

La vie d’Adèle. La vie de cette jeune adolescente moyenne du Nord de la France, qui vit chez ses parents moyens et retrouve chaque jour son lycée et ses amis moyens. Comme tous les adolescents, Adèle découvre la vie, se pose des questions, tente de nouvelles expériences, se loupe, retente, échoue… Le spectateur est au plus près, projeté, profondément ancré dans la vie intime des personnages grâce à cette façon particulièrement qu’a Abdellatif Kechiche de filmer, exclusivement en plans très rapprochés. Aucun détail n’est mis de côté, de la morve au nez aux moustaches de bolognaise. Le film en tire une grande partie de sa force. A la sortie d’un cinéma bordelais, après la projection du dernier film de Kechiche, Carole nous dit « cette façon qu’il a de filmer donne un côté hyper réaliste au film et met les actrices en valeur, dans leur gestuelle et leurs émotions ». Thomas ajoute : « au début, c’est plutôt dérangeant, ça met un peu mal à l’aise mais on s’y habitue et ça joue beaucoup dans l’élaboration du film ».

L’autre force de ce film, ce sont les deux actrices principales, Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos. Principalement cette dernière. Elle ne joue pas, elle vit son rôle. Chaque geste, chaque émotion parait naturelle, on hésiterait même à se demander si ce n’est pas plus un reportage qu’un long métrage. Léa Seydoux, moins efficace dans l’hyper réalisme du film, reste tout de même une très bonne actrice, qui joue honnêtement son rôle.

Néanmoins, ceci ne fait pas tout. Certes, la façon de filmer est intéressante, et le jeu des actrices vient sublimer le tout. Mais ce tout, justement, manque cruellement d’aboutissement.

Adèle rencontre Emma, un jour, qui vient bouleverser sa vie. Toujours est-il qu’une histoire d’amour nait, un amour qu’on pourrait croire transcendant. Et pourtant, toute cette énergie n’arrive pas à traverser l’écran. Avec ces gros plans en permanence, on s’attend à des séquences chargées d’émotions, à de profondes réflexions personnelles. Et pourtant, la passion mystique entre Adèle et Emma ne génère aucune force. A aucun moment la puissance de leur amour ne dévore l’écran. On nous le suggère, mais très peu de scènes mettent en exergue ces sentiments et ces émotions. Carole précise : « j’aurais aimé que le réalisateur insiste plus sur les sentiments qui les lient. On ne voit pas vraiment leur histoire évoluer au début, et les émotions ne nous touchent pas ». Ce qui n’est pas l’avis de tout le monde. D’autres pensent qu’au contraire, les émotions sont si bien véhiculées à travers tout le scénario qu’on ressort bouleversés de la salle, comme le dit Annabelle : « l’amour et la fièvre de cette histoire m’ont frappée. J’ai été éblouie par l’intensité des jeux de regards ».

Quelque part, la Vie d’Adèle est un film qui ne peut que partager auprès des spectateurs, car tellement original et singulier qu’on ne peut avoir d’avis objectif. Et même si certains n’en ressortent pas bouleverser, le long métrage de Kechiche est tout de même un film à voir, pour ne serait-ce que pour se forger sa propre opinion. Il reste un bon film, avec de belles actrices pleine d’énergie, et un scénario bien loin de tous les stéréotypes véhiculés sur l’amour entre deux femmes. Et pour finir, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil à la bande-dessinée Le bleu est une couleur chaude, cette même bande-dessinée qui a inspiré le scénario à Kechiche, quoi que bien différent. Ce livre remportera peut-être plus de succès.

 

Adeline Audebert

Publication pour la rubrique culturelle du Monde