De nouveaux lieux alternatifs pour des soirées toujours plus culturelles

Le pavillon du dr. Pierre ferme mais les lieux hybrides sont la grande mode depuis quelques années et les choix sont nombreux. Voici une liste à essayer, l’occasion de changer de l’habituelle soirée en boite de nuit où tous ratatinés l’on se prend du champagne dans les cheveux, des coups de coudes à chaque pas de danse et d’échapper enfin aux étriqués fumoirs suffocants.

Le pavillon du dr. Pierre à Nanterre a organisé sa dernière soirée le 24 Octobre dernier après 6 mois de partage de création avec une trentaine de créateurs aux horizons variés, de barbecues et d’events en tout genres organisées par SOUKMACHINES, collectif crée en 2005, créateur d’évènements hors normes. Toute la journée de 14h à 6h du matin ce pavillon à l’allure de grand château – en réalité ancienne fabrique à parfum et dentifrice – a accueilli 3 milles personnes pour le « grand final ». Dans l’immense jardin étaient éparpillés terrain de badminton, tables de ping pong et énormes igloos gonflés dans lesquels tous se dandinaient. On trouvait à l’intérieur de la maison de nombreuses salles au risque de se perdre, comme dans un labyrinthe. Projection de films et courts métrages, mikado, jeux videos, le choix fût grand pour ceux que la musique ennuyait. Divers DJs (cumbia electro, rythmes africains, techno…), styles différents et concerts (afro jazz à la Fela Kuti, R&B…) étaient programmés. Le lieu fourmillait d’installations lumineuses et artistiques : des dessins, collages et fresques. Dans une des petites chambres on pouvait trouver des vinyles entassés dans le coin et les gens dansaient sur de la musique disco. Ce genre de soirées hors-normes pullulent de plus en plus dans les alentours de Paris.

À Marx Dormoy, le Shakirail, (dans les locaux de la SNCF) est un squat d’artistes comprenant des ateliers où ont lieux concerts et expos. Dans l’énorme jardin on trouve petit feu, guirlandes, hamac, chaises dépareillées empilées, caddie perdu et vêtements pendus. Le lieu donne vue imprenable sur tout Paris. Elisabeth Hong originaire de Sydney et Michelle Cao de Seattle adorent le côté intimiste de l’endroit. Elles expliquent « C’est comme un rooftop ou un backyard chez quelqu’un, c’est très amical comme atmosphère ». La vue sur les trains qui passent et les immeubles éclairés est en effet chose très rare dans le nord-est de Paris.

Toujours dans le même style le 6B à Saint-Denis est un immeuble entier dédié à l’art et la musique. Dans chaque pièce un style musical différent et dans la cour des tentes où des DJs tiennent résidence. Grâce à divers collectifs associés aucune soirée ne ressemble à l’autre. Entre les 6 étages on se promène dans la culture : de l’afrobeat à la techno, des performances culinaires au VJing.

La ferme du bonheur

Autre endroit non loin de là : la ferme du bonheur ou comment danser sur de la musique électro entouré de nombreux moutons. Un chef vient y cuisiner soupes et dessert du jour en plein air. Le lieu est affilié à la Mamie’s, jeune association fondée en 2007 qui promeut l’esprit de « la fête libre et décomplexée » partout dans Paris. La programmation y est éclectique mais indépendante et de qualité. Les parisiens apprécieront la nature le temps d’une journée, telle une residence secondaire à la campagne. La fête se déplace ainsi petit-à-petit en banlieue pourtant habituellement boudée par les Parisiens.

Chayma Mehenna

Montlhéry, un peu d’air

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Comment ne pas être fatigué de ces destinations pleines de fureur jeuniste, qui soumettent leurs malheureux touristes à des impératifs de clubbing, de shopping, de fooding et d’instragaming permanent ? A bas les capitales bruyantes, les banlieues renferment des trésors et Montlhéry en est.

Une ville d’histoire

Les rétines brûlées par la lumière électrique, le nez calciné d’innombrables remugles, les tympans chargés de pollution, la bouche encore amère des restaurants surgelés : le furieux Paris prend la tête par toutes ses portes. La ville de Dieu est souvent une grosse déception pour les touristes, par nature naïfs, venus trouver les trésors romantiques et raffinés qu’on leur avait méchamment promis. On dit partout que le charme parisien s’évente ; heureusement qu’il reste le charme banlieusard.

A quinze minutes de la porte d’Italie, les artères haussmanniennes de la capitale et les immeubles gris de la petite couronne sont loin. Montlhéry est là, en Essonne. Les historiens connaissent bien cette ville de 7 000 habitants, peuplée depuis le VIIIème Siècle ; sa célèbre tour, classée monument historique, est le vestige bientôt millénaire d’un château dans lequel séjournèrent Louis VII, Henri IV et Jean Sans Peur. Par temps clair, on peut voir Paris de son sommet.

Le pied de la tour, comme il est appelé dans les environs, est une colline trop abrupte et boisée pour être intégralement constructible. Ses chemins de terre sont difficilement praticables, rythmés de racines et de marches moussues ; sur leurs bords, on croise d’étranges rochers plats. On s’y assoit toujours, on y pique-nique, on regarde passer les promeneurs. Quand l’été est lourd, le bois de la tour et sa fraîcheur chargée d’humidité se prêtent parfaitement aux longues balades.

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Les rues pavées du centre-ville s’écoulent autour du bois, silencieuses. Les racines médiévales de la ville y affleurent : accolé à l’Église Sainte-Trinité, la porte et le linteau gravé d’un hôtel-Dieu construit au Xème Siècle. L’une des artères principales de la ville glisse entre les pieds de la lourde Porte Baudry, vestige des fortifications qui délimitèrent jadis Montlhéry. De bien beaux restes qui auront tôt fait d’ennuyer le touriste comme ils ennuient l’autochtone.

Heureusement, il n’y a pas que de jolis cailloux médiévaux à Montlhéry. La ville abrite également l’autodrome, le premier circuit routier à avoir vu le jour en France. Construit en 1924, cet anneau d’asphalte a enregistré des centaines de records de vitesse au cours de ses 90 années d’existence. Aujourd’hui, les courses et les parades automobiles de l’autodrome sont un passage obligé pour les amateurs de sport motorisés ; aux beaux jours, il n’est pas rare de croiser des touristes allemands, italiens et anglais dans ses gradins.

Posé au calme

On est touriste au moins autant par le ventre que par la tête. Par chance, du côté de la place du marché de Montlhéry, on mange et on boit bien. Pour une trentaine d’euros, la carte à la fois classique et surprenante de La Charrette – jarret de porc braisé à la fleur de bière et miel d’épices, saumon cru et tomates confites au citron vert –, encensée par le Gault & Millau, vous satisfera à coup sûr.

A quelques pas de là, le Choko’s remplit les verres des figures locales et des inconnus avec la même générosité. En salle ou en terrasse, les rhums du patron ne vous coûteront que trois petits euros. On y rougit rapidement des oreilles. Toutefois, nous ne serions que trop vous déconseiller de manger sur place, à moins que vous ne cultiviez ce goût si parisien des plats onéreux et mal décongelés.

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Les jambes engourdies par votre périple, l’estomac lourd et les joues chaudes, vous pourrez alors passer le portail du parc de la souche. Assis sur un banc, les yeux posés sur la mairie, captivé par les fontaines et les massifs de roses, vous aurez alors une pensée émue pour le chaos de la capitale. Mais pas de regrets.

 Sébastien Wesolowski

Ivry : « parce qu’on n’en parle jamais »

Si Paris est la première destination touristique mondiale, cette réputation éclipse un périmètre dont les guides touristiques ne connaissent hélas que Versailles : la banlieue. Amandine vient d’Ivry, pas d’Evry, « ville rebelle des banlieues où il ne fait pas bon vivre » avec laquelle on confond trop souvent la première. À des années lumières des éternels clichés ressassés à peine le mot « banlieue » prononcé, Ivry montre à elle seule qu’il y a une vie au-delà du périphérique.

Amandine le dit haut et fort : « vivre à Ivry est à n’en pas douter une chance ». Bien desservie par les transports en commun, elle a l’avantage de se situer à vingt minutes du centre de Paris tout en proposant des loyers à des prix modiques. Autre bon point : la ville mène une vraie politique sociale et éducative afin que les habitants s’épanouissent tous, peu importe les moyens dont ils disposent. Et la présence de très nombreux établissements culturels complète le dessein. C’est même « la vraie fierté de la ville ». Ivry compte un cinéma à la sélection pointue qui propose des films indépendants sans pour autant s’égarer dans une avant-garde absconse, une salle de concert à la programmation de qualité, une médiathèque au catalogue varié et intelligent et, enfin, last but not least, le théâtre des Quartiers d’Ivry (TQI) dont les saisons sont toujours attendues avec impatience. En somme, Ivry est « la ville idéale des trentenaires qui souhaitent rester branchés, loin du brouhaha de la capitale », conclut Amandine.

Parc des Cormailles - F. Carrez

Le revers de la médaille, c’est que pour « sortir, faire la fête et découvrir des coins branchés, Ivry souffre de sa proximité avec Paris ». À l’exception du bar le Nouveau Brooklyn (BNB), qui rassemble toute la jeunesse ivryenne – voire parisienne -, l’endroit se désertifie le soir et « il ne s’y passe pas grand chose ». Malgré tout, la ville a organisé bon nombre d’évènements qui fédèrent véritablement les habitants, qui vivent alors au rythme de ces festivités. Il y a, par exemple, le rendez-vous incontournable que représente la Fête de la Ville, mais aussi vide-greniers et autres rencontres qui entretiennent la vie de quartier.

Si le capital touristique d’Ivry approche le zéro, rien n’empêche d’y passer une journée et de profiter du rythme de vie ralenti que propose cette anti-cité-dortoir. Amandine préconise pour ceci la piscine, rénovée depuis peu, les jardins de l’hôpital Charles Foix dont « l’architecture incroyable attire énormément de tournages » ou encore la pizzéria Pasqualina, pour sa carte bon marché et la bonne ambiance. Et le secret le mieux gardé de la ville : la librairie Envie de Lire. « C’est magique, à peine entrés, on a qu’une envie : y rester et lire un livre avec une tasse de thé bien chaude ! ». Vous êtes prévenus.

Hôpital Charles Foix - DR

Pour poursuivre l’exploration :

Le site de la ville d’Ivry : www.ivry94.fr

Théâtre des Quartiers d’Ivry : 69 avenue Danielle Casanova (94200, Ivry)

Bar le Nouveau Brooklyn : 39 rue Gabriel Péri (94200, Ivry)

Pasqualina : 84 rue Jean Le Galleu (94200, Ivry)

Envie de Lire : 16 rue Gabriel Péri (94200, Ivry)

Louise Bonnard