Léa Bare, artiste multidisciplinaire, s’épanouit dans la comédie, la danse, et le burlesque. Engagée, elle n’hésite pas à faire transparaitre ses prises de position au sujet de problématiques comme le féminisme et la question du genre, dans ses créations et performance artistiques.
Les arts du spectacle n’ont pas toujours été une évidence pour Léa Bare. Comédienne-danseuse et performeuse burlesque. Lycéenne, elle voulait devenir styliste designer. Fascinée par le monde de la mode, elle intègre après son bac général, l’ENSAD. Une expérience qui marquera un tournant dans sa vie d’étudiante ; « En fait ils ne parlaient que business : argent, bénéfice… J’étais complètement désillusionné. J’ai pris conscience que ce n’était pas fait pour moi » explique-t-elle. A cette époque elle n’avait pas vraiment idée de ce que pouvait être le théâtre. Elle intégra une petite troupe et prit des cours d’art dramatique à coté. Ceci en continuant à créer des robes et des costumes pour des évènements. Très vite, elle ressentit le besoin de se consacrer au théâtre, de s’exprimer avec son corps et plus seulement par le biais de ses costumes ; « Je me suis dit qu’il fallait que je me mette en scène moi ! Je me suis rendue compte qu’être sur les planches c’était tellement mieux. Et au fur et à mesure je me suis éloignée de mes dessins tout en continuant de faire de l’art plastique pour moi, pour mon plaisir » confit-elle.
« A la base je pensais que le burlesque était une pratique féministe »
Etudiante à l’Université Paris 3 en Master, Léa est comédienne dans plusieurs compagnies, metteur en scène et chorégraphe. A coté de ça, il y a le burlesque, une passion à part entière dans laquelle elle retrouve aussi son goût pour les costumes, « Il y a vraiment une compétition du costume en burlesque. J’y consacre beaucoup de temps, des heures ». Léa a commencé par prendre des cours à l’Ecole des Filles de Joie à raison de huit heures de danse par semaine, des cours de théâtre ainsi que des cours d’effeuillage. A la différence du Strip-Tease, le burlesque est une performance théâtrale ; « Le Strip-Tease appelle vraiment le désir, il y a un peu de ça dans le burlesque mais c’est surtout pour faire rire et faire décomplexer la femme » explique-t-elle. Comme le souligne Léa, le burlesque ne veut censurer personne, « le burlesque c’est remettre en question les stéréotypes établis de la femme».
Il est vrai que nous vivons dans une société où l’image envahit tous les aspects de notre quotidien. Les références à la sexualité deviennent omniprésentes dans l’espace public : à la télévision, à la radio, sur Internet ect. C’est dans ce contexte que l’on voit réapparaitre des mouvements comme le féminisme, plaidant contre le diktat des médias et la pression des campagnes publicitaires qui conditionnent l’image de la femme. « A la base je pensais que le burlesque était une pratique féministe » indique t-elle avant d’ajouter, « C’était un acte un peu révolutionnaire, voir même politique de me mettre nue sur la scène théâtrale ». Une des politiques du burlesque est en effet de montrer des corps sexy, nus, mais des corps différents, « hors norme ». Il faut tout de même nuancer cette position car on est encore loin d’une libération totale et décomplexée du corps. Selon Léa, les filles s’imposent toujours la même chose, « Alors que les gens en général demandent complètement autre chose, ils demandent à voir de la cellulite, des grosses fesses » affirme t-elle, « On ne cherche pas la minauderie, mais aujourd’hui les codes du burlesque sont souvent détournés et mal interprétés ».
Léa est maintenant diplômée de l’Ecole des Filles de joie où elle retourne pour travailler et animer des cours de danse. Elle commence à être connu dans ce milieu et participe à des revues dans des cabarets à l’étranger : A Londres et Berlin principalement mais aussi au Danemark.
« Drag King : Découvrez l’homme qui est en vous »
Léa a participé au premier atelier Drag King qui a eu lieu à Paris en décembre 2013. Cet atelier, animé par Louise de Ville (performeuse Queer et burlesque originaire du Texas) était intitulé : « Atelier Drag King ; découvrez l’homme qui est en vous ». Lors de cette rencontre, Léa a pu apprendre les règles de base du transformisme comme le « Bandage », une technique qui consiste à se bander les seins pour cacher les formes.
« Aujourd’hui je me détache un peu du burlesque et je me concentre dans les créations « Queer », c’est à dire des créations « transgenre » comme le Drag King ». En effet, curieuse de tenter de nouvelles expériences, Léa s’est rapprochée de la communauté « Queer », « Les gender-studies m’intéressent particulièrement ainsi que les questions autour de l’identité sexuelle » explique-t-elle. Etant d’abord comédienne, le Drag King lui a permis d’aborder le jeu d’une autre façon ; « J’ai pris conscience qu’on pouvait être sur scène l’exacte opposé de ce qu’on est dans la vie, principalement grâce à un travail en amont sur son corps. On peut être une femme extrêmement pulpeuse et jouer un homme. Tout est possible ! C’est ce qui m’a fasciné ». Cette expérience a fait évoluer sa conception du théâtre mais aussi plus généralement sa vision sur l’identité homme/femme ; « C’est une approche très intéressante pour moi en tant que comédienne mais aussi en tant que femme. » confit-elle. Elle dit d’ailleurs se sentir « rassurée », « Je me suis toujours dit que j’étais entre l’homme et la femme » confit-elle amusée. Proche de ces questions autour du genre, il était important pour Léa de réutiliser les codes propres du Drag King au sein de ses numéros burlesques. Elle a donc décidé de créer un duo d’effeuillage inspiré de performance Drag King, qui, avec plus d’une dizaine de représentations, est un de ses shows ayant rencontré le plus de succès.
Etre performeuse burlesque et performeuse « Queer » lui permet de vivre des expériences enrichissantes qui viennent nourrir ses autres projets artistiques ; « Faire du burlesque c’est une activité complémentaire à comédienne-danseuse, on ne peut pas en faire son métier, c’est important de le préciser » ajoute Léa Bare avant de conclure en souriant, « c’est un caprice en fait ! ».
DAMPT Marie Charline
Publications visées : magazines féminins, magazines culturels
1_Photo par Hervé PHOTOGRAFF
2 et 3_Photos par Gilles Rammant – Photographe (http://www.gillesrammant.com/)