Hubert Brun : La passion des pierres à l’épreuve du temps
Hubert Brun ne vient pas de gagner sa place dans le livre des records. Il n’a pas non plus inventé une énième machine miraculeuse qui cuisine à notre place. Hubert Brun est lapidaire et son métier est méconnu du grand public. Un métier qui détient son mystère dans la précision du geste et la discrétion des ateliers.
Son métier est pointu. Il a en charge de tailler des pierres précieuses qui sont ensuite montées sur des bijoux ou sur des objets d’art. Il ne travaille que les pierres de couleur. « Il ne faut pas confondre la personne qui taille des pierres précieuses et celle qui s’occupe des diamants, la technique n’est pas la même, les outils non plus». Derrière son établi il régale les grandes marques de joaillerie de son savoir-faire.
.
Hubert Brun est en quelque sorte autodidacte. A 50 ans tout ronds ila déjà plus de 35 ans d’expérience derrière lui. Il faut dire que l’école n’était pas faite pour lui et à 14 et demi, déterminé il frappe à la porte de son premier employeur qui lui offre son premier travail, un métier de « tâcheron » comme il dit, ou il effectuait des taches répétitive sur des lots de millier de pierre. « Je gagnais 50 francs par semaine, ça ne payais même pas ma carte orange qui valait à peine 200 francs ». Il a suivi pendant un temps les cours à l’école du Louvre mais tout ne l’intéressait pas et en 1982 il décida de passer son CAP de lapidaire en candidat libre. « Ce que je voulais c’était ma liberté, partir de la maison et m’installer à Paris ». Son CAP en poche il décrocha son premier vrai travail chez Grospiron, qui le format dans ses ateliers à un savoir-faire unique. « A quinze ans et demi, j’avais pris mon envol, et mon employeur me donnait un salaire généreux qui m’a permis de m’installer à Paris ».
Il est 14h30, dans un splendide atelier rue de la Paix et Hubert Brun,tandis qu’il travaille raconte avec passion son métier. « On est les petites mains qui travaillent pour les grandes maisons de joaillerie au même titre que les couturières pour les grandes enseignes de couture ». Il ne tire pas de gloire de ce métier, il le vit avec passion et la conviction que ce qu’il fait est beau et unique. Les clients pour qui il travaille sont les grands noms de la place Vendôme à Paris. Du très haut de gamme. Ces maisons sont Van Cleef and Arpels, Chanel, Chaumet, Cartier… Ils font appel à lui pour avoir ce qui se fait de mieux en termes de qualité de taille de pierre. Il a des pierres qu’il aime par-dessus tout travailler, ce sont les saphirs bleus et l’émeraude, même si les rubis sont aussi de vraies merveilles à ses yeux. « Tu modifies une facette et d’un coup la lumière jaillit ». Il est fasciné par la profondeur des couleurs de ses pierres. «Notre sensibilité à une couleur est très personnelle, ma sensibilité à moi se situe dans des détails infimes ». Sur une seule pierre, il peut travailler des heures, cela demande beaucoup de concentration et plusieurs étapes pour passer d’une pierre brute à une pierre comme nous les voyons sur les bijoux. « Il y a cinq étapes pour le lapidaire, d’abord sur la pierre brute on enlève les parties non exploitables, puis on procède à une mise en couleur, c’est-à-dire on recherche le meilleur rendement de couleur par rapport à la matière. Ensuite on définit la forme de la pierre, on procède ensuite au facettage, c’est à dire au positionnement des facettes autour de la pierre et l’étape finale est le polissage, le moment de finition ou apparait toute la puissance de la couleur par un jeu de réfraction ».
A en voir ses yeux qui pétillent quand il en parle, il l’aime son métier même s’il déplore le fait qu’il n’y a pas de relève et que le métier soit en train de mourir. On ne forme plus de lapidaire, on ne forme que des bijoutiers qui ne sont aptes qu’à travailler l’or et des orfèvres qui travaillent les métaux. « Le métier n’est pas compris, les gros groupes préfèrent prendre de la main d’œuvre moins cher quitte à ce que le travail soit moins bien fait. Nous ne sommes plus qu’une petite cinquantaine en France à exercer ce métier. ». Il semblerait que les gros groupes ne se rendent pas compte de la difficulté et de la précision du métier. « Ils ne veulent pas admettre les limites des pierres, en veulent toujours plus pour moins cher et quand je dis que c’est la matière qui décide et pas nous je crois qu’on ne me comprend pas ».
Au grand Palais lors de la biennale des antiquaires il y a deux ans étaient exposées des pièces majestueuses sur lesquelles il avait travaillé. Des pièces pour Chanel sur le thème de Coco, un pendule exceptionnel en diamant et opales de la maison Boucheron. « Chez Boucheron ils nous ont offert le champagne ! A croire que les autres ont perdu le côté humain et festif du monde de l’art! ».
Son métier c’est sa vie, ses amours, ses emmerdes, un métier ou il a du plusieurs fois se remettre en question, hésiter même parfois à continuer, mais son métier c’est son métier et il l’a dans la peau!
Cécile Brun