Penser la place du corps dans l’art avec Helena Almeida

Jusqu’au 22 mai 2016, le musée parisien du Jeu de paume met à l’honneur l’artiste portugaise Helena Almeida en lui consacrant la rétrospective « Corpus » qui réunit ses dessins et ses photographies peintes les plus connues. Récit d’une exposition intrigante, quelque part entre l’abstrait, le contemporain et le surréalisme.

A l’occasion de l’édition 2016 du Printemps culturel portugais, Paris découvre Helena Almeida, photographe renommée au Portugal pour avoir représenté le pays à deux reprises à la Biennale de Venise, en 1982 et en 2005.

Tout commence en 1934, à Lisbonne, lorsqu’elle naît en pleine dictature militaire, d’un père sculpteur officiel du régime fasciste et pour qui elle posait souvent étant enfant, durant des heures interminables où elle devait rester immobile et silencieuse. Et puis, un jour, dans les années soixante, la jeune femme a choisi de devenir, elle-même, artiste et de s’émanciper de la tutelle paternelle.

Aujourd’hui, Helena Almeida a passé la barre des quatre-vingt ans et le musée du Jeu de paume a souhaité rendre hommage à sa longue carrière en partageant les œuvres majeures de son corpus dans une exposition éclairante et accessible à tous les publics.

Dans un premier temps, l’organisation chronologique de la rétrospective est agréable car elle permet de mieux comprendre comment le travail de l’artiste a évolué au fil du temps, d’autant plus que celui-ci est installé dans de grandes salles silencieuses qui refusent d’accueillir plus de vingt spectateurs à la fois, pour conserver une certaine solennité.

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Pintura habitada, crédits : Fundaçao de Serralves

Ensuite, les salles dégagent toutes un charme différent, la première est étonnante car elle met à l’honneur le travail expérimental de l’artiste et son jeu avec la toile, qu’elle déchire ou qu’elle porte comme un vêtement. Quant aux autres, elles présentent notamment les inoubliables autoportraits en noir et blanc d’Helena Almeida, recouverts de peinture bleue dans la série Pintura habitada (Peinture habitée, 1976) et accompagnés de dessins et de films réalisés dans son atelier.

Grâce à ce parcours semé de panneaux explicatifs, le spectateur découvre une artiste non conformiste et très originale qui est, en fait, bien plus scénariste et metteuse en scène que photographe étant donné qu’elle n’appuie que rarement sur le déclencheur de l’appareil photo – c’est son mari qui s’en charge – mais préfère réaliser, au préalable, une série de croquis détaillant les postures qu’elle adoptera en tant que modèle.

 

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A gauche : Dentro de mim, crédits : Laura Castro , Caldas et Paulo Cintra A droite : Seduzir, crédits : Coll. CAM – Fundaçao Calouste Gulbenkian

 

Des postures mises en valeur par le musée du Jeu de Paume qui a choisi d’organiser cette rétrospective autour de la place qu’occupe le corps dans l’œuvre d’Helena Almeida et en exposant des photographies la représentant recroquevillée dans Dentro de mim (A l’intérieur de moi, 1998) ou vieillie et cambrée dans Seduzir (Séduire, 2002).

Clara a visité l’exposition et elle semble apprécier la thématique proposée par le musée : « Je trouve le mélange de la peinture et de la photographie vraiment original et contemporain. J’apprécie aussi le côté ultra féminin : la sensualité, la séduction et le corps féminin sont très présents et son travail est très féministe. »

Le choix du Jeu de paume de se focaliser sur l’importance du corps semble, aussi, concorder avec la philosophie de l’artiste qui tient en quelques mots : « my work is my body, my body is my work », et qui est bien mise en valeur par un agencement des photographies permettant au spectateur de voir le corps de l’artiste prendre de l’âge au fur et à mesure de sa déambulation entre les salles.

Marie, une autre visiteuse de l’exposition, semble ravie de ce qu’elle vient de voir : « J’aime sa façon de mettre en scène le corps qui occupe l’espace, on a l’impression de mouvement. Il y a aussi plein de métaphores, c’est très poétique. En plus, elle nous fait entrer dans son atelier et dans son intimité, elle joue avec la matière et n’a pas peur de se mettre en scène et de s’abîmer aussi, c’est beau. »

C’est donc la beauté de l’œuvre qui marque les esprits des spectateurs à leur sortie du musée, mais aussi l’engagement de l’artiste dont la mise en scène du corps est révolutionnaire et politique dans les années soixante puisqu’il fait écho au mouvement mondial de libération de la femme qui réclamait, dans différents pays occidentaux, un libre accès à la contraception et à l’avortement.

Joao Ribas, co-commissaire de l’exposition, affirme d’ailleurs que « l’utilisation de la photographie et la focalisation sur le corps montre une perspective féministe claire » chez Helena Almeida. Tout un programme, donc, pour une exposition ludique et presque philosophique qui enchantera les petits et les grands, les initiés comme les novices.

 

« Helena Almeida, Corpus »,
Jusqu’au 22 mai 2016,
Musée du Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e
Tous les jours sauf le lundi : 11h-19h, le mardi jusqu’à 21h
Tarif plein : 10€, tarif réduit : 7,50€

 

Anne-Flore Buisson-Bloche.
705 mots.
Publication envisagée : Télérama, L’Obs, M le magazine du Monde.

« Persona étrangement humain » l’exposition déconcertante

A l’occasion des 10 ans du Musée du quai Branly, inauguré en 2006, le musée des arts et civilisations d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques présente plusieurs expositions dont « Persona étrangement humain » du 26 janvier 2016 au 13 novembre 2016. L’exposition nous entraine dans une collection de plus de 230 objets et installations, en passant des poupées vodous, aux puces savantes aux spectres ou encore part la robotique. Elle permet de s’apercevoir que depuis la nuit des temps, l’homme donne des sentiments, des pouvoirs… à de simples objets. Un besoin de les humaniser l’anime. D’ailleurs qui n’a jamais juré face à son ordinateur ou raconté, étant plus jeune, raconter une histoire à sa peluche ?

Dès le début de l’exposition le visiteur est confronté à l’étrange, en effet il est alors accueilli par la vidéo d’un homme qui se veut l’homme invisible anthropologue qui explique la notion de personne. S’en suit alors un parcours divisé en quatre sections : Il y a quelqu’un ? Il y a personne ! La vallée de l’étrange et la maison témoin. Il faut alors se laisser guider par ce parcours où, à chaque pièces, étonnement, curiosité, incompréhension et parfois écœurement viendront intensifier cette visite qui se veut une expérience et une remise en question constante du visiteur. « L’objectif n’est pas seulement de donner à voir ces artefacts, mais de permettre aux visiteurs de se rendre compte par eux-mêmes de la manière dont on peut être conduit à attribuer à des objets une forme de personnalité… » – Emmanuel Grimaud (commissaire de l’exposition et anthropologue chargé de la recherche au CNRS) – dossier de presse

Dans un premier temps, « Il y a quelqu’un ? » plonge le visiteur dans la solitude, la notion d’espace vide. Le constat est que chaque individu ressent rapidement des effets de personnes. En effet dans le vide l’homme cherche des repères et peut être vite amené à la confusion. On retrouve dans cette section une vidéo présentant une expérience où des personnes se sont retrouvées durant 48h seules dans le noir ainsi que diverses statuettes anthropomorphiques. persona 3

La seconde partie de l’exposition « Il y a personne ! » amène le visiteur à se demander qui est donc Personne. Depuis toujours l’humain cherche ces présences qui l’entourent. Il ne peut être seul et déploie de nombreux outils pour rentrer en connexion avec ceux qu’il ne peut voir. Le visiteur est alors emporté dans un monde surnaturel où se côtoient boite à outils pour chasseurs de fantôme, détecteur de présence ou encore poupées divinatoires.

« La vallée de l’étrange » mène en partie dans le monde de la robotique. Entouré d’artéfacts plus ou moins réaliste comme des yeux bioniques, des prothèses… Notre capacité à l’acceptation de l’inhumain est posée. Comme le montre la théorie du roboticien japonais Masahiro Mori, plus une créature artificielle a une forme humaine plus elle est apte à créer de la curiosité et de l’empathie. Cependant ceci est vrai jusqu’à un certain point ou, à contrario, elle créera un sentiment de rejet et d’étrangeté. Un monde complexe où chaque individu est invité à mesurer ses propres limites face à ces objets-personnes.

Pour finir cette visite, « La maison témoin » met alors en interaction le visiteur avec une profusion d’interface et de créature artificielle tel qu’une poupée Love Doll ou encore des robots prédicateurs d’avenir. Chacun est invité à trouver sa propre réponse à la question : « de quoi sommes-nous prêts à nous entourer ? »love doll

« C’était une exposition assez étrange. Je dois avouer que certaines des œuvres exposés m’étaient un peu dérangeantes, mais dans l’ensemble, je pense que c’est la mixité des œuvres qui rend cette exposition intéressante. J’ai particulièrement apprécié le mélange d’origine et d’époques des œuvres présentées » Thibault Meudec étudiant en tourisme.

En proposant un mélange surprenant entre arts premiers et nouvelles technologies cette exposition enrichissante et déconcertante propose un angle de vue différent sur les objets du quotidien. A l’heure des nouvelles technologies et de la recherche d’un nouveau mode de vie, chacun est invité à faire un constat sur ses limites et motivations face à cette technologie devenue omniprésente.

 

 

 

Pauline Radena
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Publication : Télérama

Crédit photo :  Mechanical Avalokitésvara – Marionnette du Vanuatu -Love Doll, photo : Dossier de presse « Persona étrangement humain »

Say « Cheese » !

Avis aux amateurs et professionnels d’un incontournable de la gastronomie française : Du samedi 28 février au mercredi 2 mars a lieu le salon du fromage et des produits laitiers à Paris. Alors direction Porte de Versailles, où il est possible de déambuler parmi 190 exposants et 12 pays représentés.

Dans le Pavillon 8 du parc des expositions de Porte de Versailles, en plein milieu du salon de l’agriculture, se trouve le salon du fromage et des produits laitiers. Tout y est alléchant, propre, et organisé. Beurre, fromage, crème, et tout pour accompagner ces délicieux mets. Cela donne tout de suite envie d’aller à la rencontre des exposants. D’autant plus que cette année, en plus des rendez-vous experts et concours divers, le salon propose des dégustations insolites ! Pas de doute, l’évènement en vaut la peine.

Sur le plateau des animations au fond du pavillon, le premier concours du Fontainebleau créé par la Fédération des Fromagers-Crémiers se termine. Aurore Paillusson-Ravacley, remporte les deux épreuves qui consistaient à revisiter le Fontainebleau de manière traditionnelle et extravagante afin de mettre en valeur la créativité et le savoir-faire des professionnels. Un coup de maître pour la gérante de la fromagerie « Le Trou de Souris » implantée à Besançon.

Une fois les médailles et les fromages frais de lait de vache et de crème fouettée mis de côté, la CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Economie Laitière) propose un atelier dégustation autour d’alliances insolites où il est possible de participer en tant que visiteur.

Caroline Boquet, formatrice à la CNIEL, travaille depuis plusieurs années sur les accords jus de fruits et fromages. A l’initiative de ce projet ? Les semaines du goût où elle cherchait à satisfaire aussi les enfants qui ne pouvait pas se délecter de la plus classique des alliances (vin et fromage), mais aussi « la volonté de développer différents moments de consommation de fromage pendant la journée » dit-elle. Petit déjeuner, goûter, dégustation en entreprise : les choix sont divers et variés.

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Alliance insolite « Fromage et jus », par Caroline Boquet

Il est 12h30, la faim se fait sentir, la dégustation arrive à point nommé.

Quatre fromages allant du plus doux au plus fort en bouche accompagnés par quatre jus différents. À retenir : l’alliance classique Fourme d’Ambert & nectar de poire, mais surtout la plus originale Saint Nectaire fermier & nectar de myrtilles sauvages qui associe « le côté cave, champignon et un peu croquant de la croute du St Nectaire avec la myrtille, ses arômes de fruits rouges et son côté tannique qui rappelle certains vins rouges ». Au niveau des textures, le coulant du Saint Nectaire va de paire avec l’aspect velouté du nectar, une pépite gustative !

Le public est conquis, Pauline, 23 ans, jeune entrepreneuse en crèmerie livre ses impressions : « Pour les gens comme moi, qui ne sont pas amateurs de vins et d’alcool, ces alliances permettent de manger sans devoir faire attention au nombre de verres bus pour prendre la route ! ». La jeune femme est également ravie de pouvoir s’entretenir avec des formateurs et dirigeants des différents centres de formation comme l’IFOPCA (formation professionnelle des vendeurs et managers des commerces de l’alimentation de détail) présent sur le salon.

La visite continue et il est temps de se promener du côté des producteurs étrangers. Des Etats Unis à l’Ecosse en passant par la Suisse, le salon est un vrai tour du monde pour les papilles. Helen Cahill venue d’Irlande représente la ferme familiale Cahill’s Farm et met en avant leur produit phare : du cheddar fabriqué avec de la Guiness, bière irlandaise par excellence. Elle fait déguster également une petite nouveauté : un cheddar toujours, mais cette fois-ci avec du Bailey’s (crème de whisky irlandais).

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Helen Cahill, Responsable des ventes Cahill’s Farm

Mais qu’est-ce qui amène ces fromagers des quatre coins du monde ?

Helen raconte : « C’est très important pour moi d’essayer de rencontrer des clients français, la France est un très grand marché, et surtout les français ont beaucoup de savoirs à propos du fromage, ils connaissent également la production des petites fermes familiales, c’est une superbe opportunité. » Et en effet, cela fonctionne plutôt bien car Helen a réussi à conserver un client qu’elle avait rencontré lors de son premier salon à Paris il y a deux ans.

Vous l’aurez compris, entre informations, découvertes et dégustations, chacun peut trouver à faire au salon du fromage et des produits laitiers : Il y en a pour tous les goûts ! L’évènement dure cinq jours, le temps d’en profiter pour faire « Cheese ! » à tous ces professionnels qui continuent de faire parler et développer la gastronomie à travers le monde.

Laurine Chamberlin
700 mots (sans titre, ni chapeau)
Publications envisagées : Produitslaitiers.com / Parisinfo.com / evous.fr
Photos : Laurine Chamberlin

Ugo Mulas: à la découverte de l’art côté coulisse

La Fondation Henri Cartier Bresson propose une exposition inédite et hommage à cet artiste emblématique, à l’occasion de la publication, pour la première fois en français, de son dernier livre « La Photographie ».

Ugo Mulas reste encore un personnage méconnu du public Français. Pourtant, il est une figure majeure du XXème siècle de la photographie italienne et plus largement européenne.

Il fût un artiste curieux du monde, qui a investi des horizons peu explorés jusque-là. Cette soif de la découverte imprègne l’exposition La Photographie. Celle-ci, d’une soixantaine de tirages en noir et blanc d’époque issus essentiellement de son ouvrage, se tient jusqu’au 24 avril 2016 à la Fondation Henri Cartier Bresson, au 2 Impasse Lebouis dans le 14ème arrondissement de Paris.

Logo de la Fondation présent sur ses murs

Logo de la Fondation présent sur ses murs

Il s’agit d’une exposition qui retrace son expérience personnelle et singulière de l’artiste autodidacte qu’il a été.  Ugo Mulas pose les interrogations marquant sa réflexion artistique. Il ne se contente pas de créer l’art, mais le contemple et questionne étonnamment sa propre action.

Derrière un nom d’exposition simple, se dévoile l’une des complexités de l’art. Celle du processus créatif. Elle représente le cheminement d’un photographe à la recherche de ce qui fait la valeur de l’art, même après vingt ans de pratique.

Comme dans un livre

C’est une exposition, établie sur les deux étages de la Fondation, qui s’offre en toute modestie avec des pièces  d’un blanc immaculé. La première, relativement sombre, se différencie de la seconde qui baigne dans la lumière du jour. Ces pièces ne font qu’accentuer la présence forte des clichés en noir et blanc accrochés aux murs. Mais ce qui attire également le regard, ce sont les citations plus ou moins longues écrites en noir sur ces murs blancs signées d’Ugo Mulas. Le visiteur peut y lire ses interrogations et sa pensée: « le but était pour moi de toucher du doigt le sens d’opérations répétées cent fois par jour pendant des années, sans jamais prendre le temps de les considérer en elles-mêmes ».

Lors de l’entrée dans cette exposition s’opère un passage dans une temporalité nouvelle: Ugo Mulas fait le portrait d’artistes qu’il a pu côtoyer dans les années 1950 et 1960 . Il s’immisce, en toute discrétion, pour capturer le geste artistique ou son absence et juste saisir la réflexion qui les anime.

La salle d'exposition

La salle d’exposition

C’est un Andy Warhol, icône du Pop Art, plongé dans une réflexion artistique profonde caché derrière des lunettes sombres, que le visiteur découvre au sein même de son atelier empli de fleurs. Cette icône du Pop Art se prête au jeu à poser face à un objectif qu’il semble fixer de façon intensive, voire intimidante. Sur un autre cliché, Andy Warhol passe à l’action sous l’œil attentif de son bras droit, Gerard Malanga également artiste américain. Warhol porte un sourire malicieux aux lèvres,  tout en manipulant son outil d’invention artistique pour créer une œuvre nouvelle, achèvement d’une maturation d’idées.

Les photos de l'exposition présentant Warhol

Les photos de l’exposition présentant Warhol

Une autre séquence de clichés montre Jasper Johns, peintre et dessinateur américain, en train de peindre. La tête inclinée, le dos courbé derrière lequel il cache son bras gauche, il travaille sur une grande toile accrochée au mur.Ce qui intrigue, c’est que l’ombre du peintre est prépondérante provoquant un sentiment d’envahissement.Ugo Mulas présentera les planches contact de cette série. Un acte fort symbolisant le caractère exceptionnel de chaque instant: ils se valent tous.

Tout le côté remarquable de cette exposition se trouve finalement dans la conception des clichés, qui se veut atypique. C’est la première fois qu’un artiste plonge les visiteurs, qui sont finalement les destinataires des œuvres, dans l’envers  du décor. Cette exposition ose sortir des cadres habituels et ne présente pas des produits artistiques finis, mais un processus de création actif.

C’est précisément ce qui a attiré l’un des nombreux visiteurs, Enes Kefeli, un étudiant en licence de droit, qui confie que pour sa première exposition photographique, il « apprécie de découvrir une approche si différente de la part d’un artiste, qui prend du recul sur ce qu’il fait et sur la réalité du monde qui l’entoure, mais dont la vision est malheureusement peu répandue ». Ce novice ajoute que « ce qui est tantôt impressionnant, tantôt intriguant est de visualiser une inactivité, dans le processus artistique, aussi significative qu’une labeur intense ».

Anna-Maria Lech

699 mots

Crédits photos: Anna-Maria Lech

Publication visée: Le Monde, Le Point aux rubriques culture; À nous Paris 

Gloire à la peinture ancienne

Alors que les galeries d’arts s’emplissent majoritairement de Jeff Koons, JR et autres artistes contemporains en vogue, la peinture classique reste, elle, cantonnée aux grands musées jugés trop poussiéreux. Pour la 5ème édition, le salon Paris Tableau s’installe au Palais Brongniart pour rendre grâce à la peinture ancienne avec en fil rouge son lien avec l’oenologie.

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Les visiteurs prennent le temps pour admirer les expositions du Salon Paris Tableau au Palais Brongniart (crédit photo : Manon Mathieu)

Tapis de velours au sol et végétation luxuriante, la Palais Brongniart a revêtu ses habits de fêtes pour offrir une montée des marches majestueuse et théâtrale à ses visiteurs. Pendant trois jours les oeuvres d’arts de la peinture classique venues du monde entier se dévoilent avec en thème d’honneur le lien entre le vin et l’art classique. Une fois la porte passée, un calme quasi-religieux règne. Une farandole de lumières scintillantes illumine l’allée principale nappée d’une moquette mauve, chaleureuse. Le Palais n’est plus, un Temple l’a remplacé. Le Temple de l’art ancien, venu des quatre coins du monde. De Zurich, Londres, Rome, Genève ou Amsterdam, 25 galeries internationales fusionnent et révèlent des merveilles oubliées. Dans chaque espace, des fauteuils, tous plus confortables et attirants les uns que les autres, invitent les visiteurs à prendre place pour admirer les oeuvres. Toutes les matières et couleurs choisies pour décorer les lieux apportent une atmosphère raffinée. Une somptuosité en toute subtilité. Une ambiance qui rappelle bel et bien celles des musées et galeries, évitées ou même fuies car trop guindée. Pourtant, l’affluence est au rendez-vous, dès le premier jour d’ouverture.

La foule se fait rare à l'ouverture du Salon Paris Tableau 2015.

La foule se fait rare à l’ouverture du Salon Paris Tableau 2015.

Renouveler l’ancien
Thèmes bibliques, représentations d’anges et glorifications de dieu. Les classiques de la peinture ancienne restent incontournables. Pour autant, les galeristes présents ne s’arrêtent pas là et proposent de découvrir toute la richesse des sujets et des techniques choisies et utilisées par les grands maîtres depuis le Moyen-Age jusqu’aux années 1900. Portraits, autoportraits, représentations de la nature, parfois surprenantes, paysages ou encore scènes de la vie quotidienne viennent donc jalonner ce parcours d’exposition. Ce voyage à travers l’art au delà des nations, des styles et des pattes attire les visiteurs. « Il faut créer de l’évènement pour que les gens viennent, comme ici, où nous somme plusieurs réunis», explique le propriétaire de la galerie Tallabardon et Gaultier de Paris. « Un salon est un challenge, il faut se réinventer, chercher la nouveauté pour faire découvrir mais aussi surprendre ». Si chaque galeriste procède à une sélection d’oeuvres dans cette optique – avec également le but de vendre – les organisateurs de Paris Tableau cherchent, eux aussi, à rendre le parcours plus vivant, voir ludique. Le thème de cette cinquième édition étant L’art de Vivre, une promenade dégustation Art et vins s’offre aux experts, collectionneurs comme amateurs présents. De quoi faire l’unanimité.

Espaces confinés et agréables pour s'asseoir et profiter des exceptionnelles expositions d'oeuvres internationales.

Espaces confinés et agréables pour s’asseoir et profiter des exceptionnelles expositions d’oeuvres internationales.

Vitrine universelle

De l’italien à droite, un soupçon d’anglais au fond de la pièce et un couple observe et commente en Suisse. L’art réunit les peuples et les cultures. « Il y a bien plus de visiteurs que de réels acheteurs », raconte Laure de Vaneilles, représentante de la Lampronti Gallery basée à Londres et Rome, « mais nous venons chaque année parce que c’est un moyen de se faire connaître à l’international, c’est une bonne vitrine de la galerie ». Ce salon a ainsi d’avantage pour vocation de révéler toute la beauté de la peinture ancienne et la diversité des galeries internationales que de se constituer en lieu de vente. Aucun prix ne s’affiche aux côtés des oeuvres, seuls les noms des auteurs et les caractéristiques ne subsistent. « D’année en année, les gens reviennent parce qu’ils savent qu’ici ils pourront retrouver notre galerie et sa peinture italienne bien particulière ». Vitrine de l’art international, Paris Tableau familiarise avec une peinture ancienne, trop souvent dépréciée et pourtant perpétuelle source d’inspiration.

Manon Mathieu

« La mode retrouvée », dressing d’une femme d’exception au Palais Galliera

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Palais Galliera – La mode retrouvée © Jessica Dufour

Muse, femme d’influence et véritable symbole de beauté et de l’élégance parisienne, la Comtesse Greffulhe est au coeur d’une exposition pour la première fois, au Palais Galliera. « La mode retrouvée » est tant un voyage dans une garde-robe éblouissante que dans sa vie d’aristocrate française.

L’exposition, du 7 novembre 2015 au 20 mars 2016, présente une cinquantaine de modèles. Robes de jour et du soir, tenues d’extérieur mais aussi manteaux de grands créateurs – comme Worth, Lanvin ou encore Babani – seront exposés dans quatre espaces différents.

En femme d’exception, l’attention qu’apporte la comtesse à sa toilette se manifeste aussi dans ses accessoires exposés. Toute la galerie est du musée y est dédiée tant certains lui étaient indispensables. Y seront aussi présentés exceptionnellement les gilets de son mari et des robes de sa fille.

Des pièces, parfois uniques, issues de donations successives – huit en tout- depuis 1964 d’héritiers et descendants de la comtesse Greffulhe au Palais Galliera. De véritables trésors donc, qui constituent un des plus importants fonds du musée.

Loin de la simple exposition de mode, le visiteur côtoie de véritables témoins non seulement de l’histoire de la mode puisque la comtesse vécut durant la Belle Époque et les Années folles : deux périodes phares.

Mais aussi de la littérature avec la figure de Proust. Fasciné par la beauté de cette femme, l’écrivain ira jusqu’à s’en inspirer pour créer le personnage de la duchesse de Guermantes dans son célèbre roman À la recherche du temps perdu. Dans un de ses échanges épistolaires il dira même qu’ «aucun élément n’entre en elle qu’on ait pu voir chez aucune autre ni même nulle part ailleurs. Mais tout le mystère de sa beauté est dans l’éclat, dans l’énigme surtout de ses yeux. Je n’ai jamais vu une femme aussi belle.».

 

Palais Galliera – La mode retrouvée © Jessica Dufour

Palais Galliera – La mode retrouvée © Jessica Dufour

 

Une femme éprise de liberté

Une sélection de portraits, photographies mais aussi films retracent sa vie d’aristocrate éprise de liberté. En dépit des contraintes de sa classe à l’époque, la Comtesse Greffulhe tient de nombreux salons mondains et fonde la Société des grandes auditions musicales entre autres. Fortement engagée, on se rappelle surtout d’elle pour son soutient dans ses actions au capitaine Dreyfus, Léon Blum mais également au Front populaire et à la République.

« L’exposition se veut libre, un peu comme l’esprit de cette femme (ndlr : la comtesse Greffulhe) », nous explique Béatrice Abonyi, scénographe de « La Mode Retrouvée ».

Pénétrer dans l’exposition c’est découvrir deux visages de cette grande dame du Tout-Paris. Un premier visage public, avec une partie de sa garde-robe où les motifs et les couleurs sont très prononcés. D’un autre côté, le visiteur découvrira un visage plus intime mêlé de mélancolie. En guise d’introduction, son testament tracé sur le mur. Un texte écrit par la comtesse encore toute jeune et où y est dépeint la garde-robe qu’elle souhaite lors de son enterrement.

Toute sa vie, chacune de ses apparitions fut le motif à une mise en scène bien spécifique. Une idée qu’à voulu reprendre la scénographe. « Là on est vraiment dans dû théâtrale. On a voulu recréer des ambiances d’antan. L’idée était de faire un musée dans le musée. ». Une manière de rendre hommage comme il se doit à cette femme d’un autre genre.

 

Jessica DUFOUR

Allo, John Giorno vous écoute ?

Au hall du Palais de Tokyo, un des plus grands musées de l’art contemporain à Paris, un grand mur est recouvert par le rouge et blanc avec la conception graphique connue dans tous les coins du monde : I ♥. Un symbole moderne peut être retrouvé partout : I ♥ Paris, I ♥ New York, I ♥ Tea… Les trois couleurs : blanche, rouge et noire sont convergés. Simple et attirant.

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UGO RONDINONE : I HEART JOHN GIORNO

Les noms de deux artistes vivant et travaillant à New York sont mis à l’intitulé de l’exposition : « UGO RONDINONE : I ♥ JOHN GIORNO ». Le premier rétrospectif projet sur la vie et les travaux de l’artiste-poète américain John Giorno. Il est connu en étant qu’un poète, un artiste de performance et un activiste de la scène underground américaine des années 1960. Ses oeuvres sont influencées par le pop-art et le grand leader américain du mouvement d’art visuel, Andy Warhol. Cette exposition est un fruit artistique concevue par l’artiste contemporain Ugo Rondinone. La signature de cet artiste suisse est marquée par les couleurs incandescentes et le rapport à la pop culture dans l’art d’installation.

Le monde de l’artiste et poète John Giorno commence avec l’entrée d’un long couloir sans lumière qui emmène dans une salle sombre. Quand la vision est en train d’être reposée en sombre, la première impression apparait, le son. Une voix base, douce et claire résonne.

I want to thank you for taking everything for yoursel

and giving nothing back,

thanks for all the sleaze,

thanks for being  mean and rude

and smiling at my face,

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John Giorno sur la scène

John Giorno, poète et artiste de performance américain

Cette première salle simple et monochrome blanche-noire donne aux visiteurs l’image de John Giorno en tant qu’un artiste de performance. Un showtime de Giorno, tout le mur occupé par les grands écrans sur lesquels Giorno lit un de ses plus connus poèmes : « Thanks for nothing ». Autour, chacun chaque angle de voir, presque tous les jeunes avec toutes les positions assises ou couchées sur le sol en regardant cette performance avec attention.

L’ensemble de cette exposition comprend huit salles correspondant à chaque manière de représentation différent, leur point commun s’adresse toujours à la connexion de l’art et la poésie. C’est une combinaison de l’art de performance visuelle (photographique, graphique) et sonore (audio, musique). Les messages de Giorno sont transmis par l’art graphique, la typographique et la couleur. Sous ses mains, Rondinone en a profité à représenter un show marquante et impressionnante par l’installation et l’utilisation de la couleur, comme son connu déjà style.

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Message sur le mur

Après le monochromie et le son, les visiteurs tombent immédiatement dans un espace coloré. Une fête de la couleur pour les yeux. Chaque vue chaque capture d’un message amusant, intéressant ou significatif sur le mur des typhographies, des dessins tout colorés : Life is a killer, It’s not what happens It’s how you handle it, You got to burn to Shine… Dans un autre espace où les grands sofas se trouvent pour détendre en écoutant les morceaux de discours, de poème, de musique avec le headphone et ipad prêt sur place. En exprimant son admiration à la richesse de la performance de l’art, Ha Tran (26 ans, étudiante de l’architecture du paysage, Paris) « J’ai l’impression sur la manière performative de l’art contemporain et surtout l’usage de la technologie dans l’évolution de l’art. » disait elle.

Sortir de l’exposition avec les photos dans l’appareil et la voix de Giorno « Thanks for nothing » encore sonné dans la tête, un peu de regrettement que cette exposition est-elle finie ? Mais non, cette performance est en cours dehors de la porte du Palais de Tokyo. John Giorno est connu des années 1960 par sa création de Dial-A-Poem (Appele un poème), un service téléphonique permet d’écouter un discours historique, une chanson ou un poème. Dans le cadre de cette exposition, Palais de Tokyo fournit un numéro vert pour Dial-A-Poem en langue anglaise et française.

Appelez le numéro 0 800 106 106 pour découvrir Dial-A-Poem, pour contribuer à la réalisation du souhaite de John Giorno « transmettre les virus de poésie au grand nombre ».

Thuy Huong Nguyen, 26 novembre 2015

Sources images : personnelles

Publications envisagées : Time Out Paris, Sortir Paris Télérama, Vanity Fair France

Ce service et les appels gratuits depuis un numéro français (disponible du 19 octobre 2015 au 10 janvier 2016).

A Paris cet hiver : Première exposition mondiale du maître Martin Scorsese

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Photographie de Martin Scorsese tenant une photographie de sa famille

Une exposition sur le réalisateur américain, Martin Scorsese, se tient depuis ce 20 octobre 2015 et continuera jusqu’au 14 février prochain à la Cinémathèque française de Paris-Bercy : c’est une première mondiale ! Elle permettra aux novices ou pseudo-novices (catégorie dans laquelle nous nous trouvons à peu près tous), de découvrir et aux cinéphiles dans l’âme de re-découvrir les splendides classiques du réalisateur. Si nous devions citer quelques mots pour décrire Scorsese : américain, réalisateur, succès, le Loup de Wall Street, Shutter Island, Casino, génie du cinéma, apprécié, reconnu… On pourrait même en dire plus grâce à l’exposition : un amoureux éperdu de DeNiro et DiCaprio, fan de Hitchcok, travailleur acharné mais doté d’un génie certain et certainement complètement psychopathe. Boutade mise à part, connaissons-nous vraiment ce génie du septième art ?

C’est dans une ambiance très intimiste que l’on peut directement s’immerger vers les prémices de l’exposition, dans une sorte de sas où l’on est plongé dans des scènes particulièrement marquante de ces films cultes : voix sur fonds noires, ambiance sombre et vibrante.

L’exposition qui s’en suit apparait sous forme d’une rétrospective sur Martin Scorsese permettant de se plonger dans « l’univers du réalisateur américain » qui selon Catherine ; 68 ans, traductrice à la retraite qui s’est elle-même trouvée dans le milieu cinématographique et donc personnellement influencée par le réalisateur ; est dessiné comme quelque chose « d’intelligent et pertinent ». On a une représentation assez significative de l’intégralité des influences qui ont bercé le jeune Martin : aspirations religieuses, culturelles et urbaines au sein du quartier de New York, Little Italie alliant les gangs et son environnement de sécurité familiale. Cette dernière notion est par ailleurs capital pour lui et se trouve au coeur de beaucoup de ses oeuvres.

On peut aussi voir peindre ses méthodes de travail à l’aide d’objet créer directement par ses soins comme plusieurs photographies, Storyboards, costumes, affiches, objets cultes, que certains de ses proches ont rassemblé pour ce que le dossier de presse de la Cinémathèque appelle : « la plus grande exposition jamais organisée sur le réalisateur ». Scorsese se trouve réellement acharné dans la réalisation de ses films, allant lui même en repérage des lieux de tournage, prendre le soin de dessiner chaque plan, tenu, mouvement, ainsi que le contrôle et la direction de chaque étape du montage des scènes et c’est ce d’où selon moi provient son succès (talent inée mis à part) : son acharnement à la cohérence.

Et dire, que ce cher virtuose du cinéma souhaitait à la base être photographe. Nous serions passé à coté du magnifique Les Affranchis, du mythique Casino et du tellement dévergondé  Taxi Driver. Martin Scorsese, c’est également une grande histoire d’amour avec ces acteurs que l’on sait trop apprécié dont Robert DeNiro, Leonardo DiCaprio, Sharon Stone et tant d’autres.

Pour cet acteur majeur du cinéma, l’histoire inclue dans la conception et la réalisation d’un film n’est pas seulement de faire des films mais les raconter, faire passer un message peut-être pas seulement de se dire lorsque nous sortons d’une séance de cinéma « oh quel bon film », « superbement bien réalisé » mais de comprendre comment cela à été réaliser et dans quel but, qu’est-ce qui se cache derrière ce que l’on me montre.

Les journées plutôt calme favorise l’immersion totale au coeur du sujet et après un peu plus de deux heures à gravité dans les petites parcelles dont le réalisateur de talent veux bien partager avec nous cependant selon Jérémy, 24 ans, étudiant en cinéma, cela est peut-être un tantinet trop court, « on veux en voir plus », effectivement on sort de l’exposition un peu sur sa faim, obligé de courir voir ou re-voir l’intégralité de la filmographie du grand Martin Scorsese que bien évidemment nous propose d’acheter la cinémathèque à la fin de l’exposition en plus de plusieurs autres goodies aux effigies du génie, de ses oeuvres et ses collaborateurs prestigieux.

En bref, chères lectrices et lecteurs, on ne serait trop vous conseillez d’aller faire un petit tour car et puis zut, c’est la première exposition et la plus grande exposition mondiale de Scorsese. C’est toujours bien de pouvoir se dire un jour proche ou lointain, autour d’un verre de vin en plein milieu d’une soirée hype : I Was Here.

 Mégane Flament, Elle magazine rubrique Bon plan (sorties)

Photographie prise durant l’exposition avec mon smartphone

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Paris-Palais de Tokyo, au Bord des mondes

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Hiroshi Ishiguro – Robot géminoide – Kuka (2014)

  Paris, février 2015. La pluie tombe sur le palais de Tokyo. Aucun skateur, les marches du bâtiment sont silencieuses. À l’entrée du musée, invitation du portier à ôter sa capuche. Dehors, dedans. La frontière est sensible. L’atmosphère change à l’intérieur. Soudain, surprise : interpellation d’une amie qui travaille au palais, et après quelques mots, m’oriente vers Le Bord des mondes.

Dans cette nouvelle exposition, Tokyo interroge les frontières de l’art, Tokyo bouleverse les barrières de la création. Le musée fait la lumière sur des artistes non conventionnels, qui transcendent les codes du monde de l’art, du monde tout court.

Sensation forte avec Camp Kill Yourself. Dans une salle noire défilent en boucle des vidéos du collectif. Dans un esprit « Jackass », enchainement de voltiges délirantes. Le corps est en danger, la douleur fait partie du concept. Repousser les limites d’acceptation de la violence est l’enjeu pour les cascadeurs comme pour les spectateurs. Face au risque, le rire l’emporte. Contraste vital.

L’émotion est différente chez Rose-Lynn Fisher. L’artiste est fascinée par la structure microphotographique des larmes. Dans Topography of tears, elle présente les « vues aériennes » de plus d’une centaine de larmes. « Aberration » : chaque image est unique, il n’y a pas deux larmes semblables. L’artiste montre la multitude des territoires émotionnels et la complexité des sentiments qui nous traversent.

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Rose-Lynn Fisher – Structure d’une larme

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Rose-Lynn Fisher – Structure d’une larme

Ces sentiments, Jesse Krimes les fait voyager. Pendant son incarcération, à sa manière, il traverse les frontières. Il découpe les portraits des détenus dans le journal. Il les transpose ensuite sur des savonnettes qu’il dissimule dans des jeux de cartes. En trompant la vigilance des gardiens, Krimes envoie ces portraits cachés vers le monde extérieur. Là où l’existence de ces hommes n’est plus connue, Jesse Krimes la réaffirme. Avec délicatesse, l’artiste interroge les limites de la condition humaine.

Hiroshi Ishiguro, chercheur en intelligence artificielle, s’intéresse à la nature humaine. Il crée des robots « géminoides », conformes à l’apparence et au comportement humains. Ces « machines » aux lèvres humides, aux yeux vifs et aux cheveux brillants bouleversent les frontières de l’humanité. Un guide du palais raconte que l’artiste a également créé son propre clone. « Il a pris l’habitude d’envoyer le robot à des conférences à sa place en le téléguidant à distance », précise-t-il. Mais l’enjeu du travail d’Ishiguro dépasse l’innovation technique. Il souhaite avant tout comprendre l’humain et sa raison d’être. Si la nature humaine peut être reproduite artificiellement, existe-t-elle vraiment ?

Kenji Kawakami, lui, est inspiré par le consumérisme. Il invente les « chindogu », objets insolites, absurdes, inutiles et uniques. Casque amplificateur de bruit, réveil individuel, parapluie pour appareil photo, anti-canular téléphonique, etc. À l’ère du matérialisme exacerbé, les frontières s’effacent entre besoins primaires et artificiels. L’ironie émanant des œuvres de Kenji Kawaka traduit la volonté de l’artiste de renforcer les frontières du mode de consommation.

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Kenji Kawakami – Parapluies pour chaussures

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Kenji Kawakami – Vêtement/Serpillère pour bébé/adulte

Au « consommer utile » s’oppose La Société des Ambianceurs et Personnes Élégantes, qui revendique l’importance de l’apparence. Ce mouvement rassemble les adeptes de l’art vestimentaire, autour de la « Sapologie », science promouvant le vêtement en tant que langage et oeuvre d’art. L’identité du « sapeur » implique une certaine éloquence et une forme de condescendance. Rebecca Lamarche-Vadel, commissaire de l’exposition, explique que des sapeurs d’influences divergentes ont d’ailleurs perturbé le vernissage. « Ils allaient en venir aux mains, mais s’en sont dissuadés, de peur d’abimer leurs vêtements », dit-elle en souriant.

Allez, on s’encapuche, les marches du palais sont réveillées.

La balade mérite d’être poursuivie dans Le Bord des mondes. Seize autres artistes continuent de questionner les frontières de l’art jusqu’au 17 mai.

Charlotte Zaccarini

Sources images : personnelles

Publications envisagées : Telerama, Exposition, Time Out Paris.

Expo « Août 1914. Tous en guerre ! » : La Grande Guerre, vécue par les civils.

Affiche publicitaire/Crédit: Archives Nationales

Affiche publicitaire/Crédit: Archives Nationales

A l’occasion du centenaire de la Première Guerre mondiale, les Archives nationales de Pierrefitte-sur-Seine proposent, du 19 septembre 2014 au 22 janvier 2015, une exposition commémorative abordant cet évènement sous un angle inhabituel, délaissant volontairement les guerres de tranchées pour s’intéresser à l’implication et l’organisation civile.

Le bruit sourd des canons, la terre mêlée de sang, les cris déchirants… Il y a de fortes chances pour que vous vous soyez déjà projetés au cœur d’un champ de bataille, lors d’un cours d’histoire, ou au détour d’une exposition. Et pour cause, l’histoire s’est toujours intéressée aux héros, et à ce titre aux soldats qui vécurent l’horreur des tranchées. Ce qui se passe loin du front passe donc souvent au second plan. Afin de commémorer le centenaire de la Première Guerre mondiale, les Archives Nationales organisent cet automne une exposition qui se détourne de cette approche militaire classique, afin de se concentrer sur le quotidien des Français qui sont restés loin du front, et ont vécu la Guerre depuis l’ « arrière ».

Chronologiquement parlant, l’exposition couvre une période assez courte, depuis l’entrée en guerre de la France et sa mobilisation générale jusqu’à la bataille victorieuse de la Marne et le fameux « épisode des taxis », soit trente-six jours du 2 août au 7 septembre 1914. Cette reconstitution des premiers jours de la guerre vécue de l’extérieur a été rendue possible non seulement par les nombreux documents inédits issus des collections des Archives Nationales, mais aussi par ceux fournis par une trentaine de généreux prêteurs, permettant d’étoffer une exposition qui nous en apprend donc plus sur la façon dont les Français ont adapté leur vie quotidienne à ce conflit aussi soudain que démesuré, et sur la gestion de cette crise alors sans précédent sur le territoire français, à tous points de vue : comment s’organiser sur le plan social, comment maintenir tant bien que mal l’économie et la finance, comment gérer les industries, mais aussi s’occuper des soldats blessés et convalescents de retour du front… Autant de préoccupations nouvelles pour les civils, dont les documents de cette exposition témoignent.

Une exposition vivante

Le visiteur découvre ainsi pêle-mêle des cartes postales, des photos de familles, des correspondances, des rapports de préfets au ministre de l’Intérieur, des traités, des documents de lois, des avis du gouvernement, mais aussi des petites annonces tirées de journaux, voire des publicités, ainsi que quelques films d’époque. Autant de documents qui apportent un éclairage nouveau sur la vie des civils, qui permettent de comprendre que la guerre ne fut pas seulement une affaire militaire, et que la mobilisation civile, dans un contexte d’union sacrée, fut déterminante à l’heure de démarrer cette guerre.

En parallèle à cette exposition, le comité d’organisation, composé notamment des conservatrices en chef des Archives Nationales Isabelle Chave, Michèle Conchon et Roseline Salmon, propose différents programmes, entre visites guidées, ateliers pédagogiques à thèmes, et surtout un cycle d’initiation à la recherche d’archives en cinq sessions, s’adressant aux archivistes en herbe comme aux confirmés, permettant à ceux qui le désirent de pousser la recherche et la découverte encore plus loin. Cette activité autour de l’exposition contribue à la rendre vivante, et apporte la preuve que celle-ci s’adresse autant aux curieux soucieux d’effectuer leur devoir de mémoire qu’aux professionnels de l’histoire capables d’apporter leur pierre à l’édifice.

Informations pratiques
Archives nationales
59, rue Guynemer
93380 Pierrefitte-sur-Seine
Métro ligne 13, Saint-Denis université.

Du lundi au vendredi de 9h00 à 16h30, parfois le samedi de 9h00 à 16h30
Entrée libre et gratuite

Geoffrey BERG
Publication visée: Presse généraliste parisienne (Métro, 20 minutes…)