Jusqu’au 22 mai 2016, le musée parisien du Jeu de paume met à l’honneur l’artiste portugaise Helena Almeida en lui consacrant la rétrospective « Corpus » qui réunit ses dessins et ses photographies peintes les plus connues. Récit d’une exposition intrigante, quelque part entre l’abstrait, le contemporain et le surréalisme.
A l’occasion de l’édition 2016 du Printemps culturel portugais, Paris découvre Helena Almeida, photographe renommée au Portugal pour avoir représenté le pays à deux reprises à la Biennale de Venise, en 1982 et en 2005.
Tout commence en 1934, à Lisbonne, lorsqu’elle naît en pleine dictature militaire, d’un père sculpteur officiel du régime fasciste et pour qui elle posait souvent étant enfant, durant des heures interminables où elle devait rester immobile et silencieuse. Et puis, un jour, dans les années soixante, la jeune femme a choisi de devenir, elle-même, artiste et de s’émanciper de la tutelle paternelle.
Aujourd’hui, Helena Almeida a passé la barre des quatre-vingt ans et le musée du Jeu de paume a souhaité rendre hommage à sa longue carrière en partageant les œuvres majeures de son corpus dans une exposition éclairante et accessible à tous les publics.
Dans un premier temps, l’organisation chronologique de la rétrospective est agréable car elle permet de mieux comprendre comment le travail de l’artiste a évolué au fil du temps, d’autant plus que celui-ci est installé dans de grandes salles silencieuses qui refusent d’accueillir plus de vingt spectateurs à la fois, pour conserver une certaine solennité.
Ensuite, les salles dégagent toutes un charme différent, la première est étonnante car elle met à l’honneur le travail expérimental de l’artiste et son jeu avec la toile, qu’elle déchire ou qu’elle porte comme un vêtement. Quant aux autres, elles présentent notamment les inoubliables autoportraits en noir et blanc d’Helena Almeida, recouverts de peinture bleue dans la série Pintura habitada (Peinture habitée, 1976) et accompagnés de dessins et de films réalisés dans son atelier.
Grâce à ce parcours semé de panneaux explicatifs, le spectateur découvre une artiste non conformiste et très originale qui est, en fait, bien plus scénariste et metteuse en scène que photographe étant donné qu’elle n’appuie que rarement sur le déclencheur de l’appareil photo – c’est son mari qui s’en charge – mais préfère réaliser, au préalable, une série de croquis détaillant les postures qu’elle adoptera en tant que modèle.
Des postures mises en valeur par le musée du Jeu de Paume qui a choisi d’organiser cette rétrospective autour de la place qu’occupe le corps dans l’œuvre d’Helena Almeida et en exposant des photographies la représentant recroquevillée dans Dentro de mim (A l’intérieur de moi, 1998) ou vieillie et cambrée dans Seduzir (Séduire, 2002).
Clara a visité l’exposition et elle semble apprécier la thématique proposée par le musée : « Je trouve le mélange de la peinture et de la photographie vraiment original et contemporain. J’apprécie aussi le côté ultra féminin : la sensualité, la séduction et le corps féminin sont très présents et son travail est très féministe. »
Le choix du Jeu de paume de se focaliser sur l’importance du corps semble, aussi, concorder avec la philosophie de l’artiste qui tient en quelques mots : « my work is my body, my body is my work », et qui est bien mise en valeur par un agencement des photographies permettant au spectateur de voir le corps de l’artiste prendre de l’âge au fur et à mesure de sa déambulation entre les salles.
Marie, une autre visiteuse de l’exposition, semble ravie de ce qu’elle vient de voir : « J’aime sa façon de mettre en scène le corps qui occupe l’espace, on a l’impression de mouvement. Il y a aussi plein de métaphores, c’est très poétique. En plus, elle nous fait entrer dans son atelier et dans son intimité, elle joue avec la matière et n’a pas peur de se mettre en scène et de s’abîmer aussi, c’est beau. »
C’est donc la beauté de l’œuvre qui marque les esprits des spectateurs à leur sortie du musée, mais aussi l’engagement de l’artiste dont la mise en scène du corps est révolutionnaire et politique dans les années soixante puisqu’il fait écho au mouvement mondial de libération de la femme qui réclamait, dans différents pays occidentaux, un libre accès à la contraception et à l’avortement.
Joao Ribas, co-commissaire de l’exposition, affirme d’ailleurs que « l’utilisation de la photographie et la focalisation sur le corps montre une perspective féministe claire » chez Helena Almeida. Tout un programme, donc, pour une exposition ludique et presque philosophique qui enchantera les petits et les grands, les initiés comme les novices.
« Helena Almeida, Corpus »,
Jusqu’au 22 mai 2016,
Musée du Jeu de Paume, 1 place de la Concorde, Paris 8e
Tous les jours sauf le lundi : 11h-19h, le mardi jusqu’à 21h
Tarif plein : 10€, tarif réduit : 7,50€
Anne-Flore Buisson-Bloche.
705 mots.
Publication envisagée : Télérama, L’Obs, M le magazine du Monde.