Depuis quelques temps déjà, afin d’éviter les sanctions ou procès verbaux dans les transports, les fraudeurs s’entraident en signalant la présence de contrôleurs sur les réseaux ferrés et dans les bus notamment. Par le biais d’applications comme Check My Metro ou Un ticket, les resquilleurs localisent les agents de contrôle et permettent aux autres fraudeurs de se munir d’un ticket, ou de prendre un autre chemin.
Le 9 mars dernier, l’Assemblée a validé le projet de loi qui interdit « le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, tout message de nature à signaler la présence de contrôleurs ou d’agents de sécurité employés ou missionnés par un exploitant de transport public de voyageurs. » Ce projet de loi, désormais ratifié, (Proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique, et contre les actes terroristes dans les transports) viserait à combattre la fraude, mais aussi à aider la lutte anti-terroriste, ou en tout cas à empêcher d’éventuels terroristes d’utiliser les signalements de contrôleurs à leurs fins. Bien qu’assez difficile à évaluer, l’intérêt de cette mesure dans la lutte anti-terroriste est donc explicitement souligné dans le titre du projet de loi. En cas de transgression, ce dernier prévoit une peine maximale de deux mois de prison et de 3.750€ d’amende pour le contrevenant. En outre, cette sanction s’avère donc être plus sévère que celle encourue pour la fraude elle-même (amende de 80€).
Les lourdes peines prévues pourraient bien dissuader les nombreux « signaleurs » d’avertir leurs camarades, et par extension, de frauder. Selon les mots du texte de loi, un message, sur une plateforme telle que Check My Metro, ou même un simple texto avertissant de la présence de contrôleurs, seraient punissables d’une peine de prison. Cette légère disproportion, pour ce délit mineur à première vue, a été relevée et dénoncée par certains hommes politiques, dont François Bonhomme (rapporteur au Sénat – Les Républicains) : « C’est la peine encourue pour agression sexuelle, signale-t-il dans l’hémicycle, Il ne semble pas justifié d’ériger en délit le fait de signaler la présence de contrôleurs effectuant un contrôle ». D’un autre côté de l’Assemblée, selon la plupart des autres parlementaires, la nouvelle mesure répond surtout à des enjeux économiques indéniables : « Nous avons décidé de lutter contre la fraude, rappelle Gilles Savary, député du PS. On s’aperçoit qu’aujourd’hui, cela coûte plus de 500 millions d’euros aux contribuables. »
Si cela permettra sûrement de punir les associations de fraudeurs, et dans le même temps de récolter un peu de fonds supplémentaires dans les caisses de l’Etat, ce projet, désormais concrétisé, compte aussi beaucoup de détracteurs. En effet, certains internautes et journalistes-citoyens s’indignent déjà sur la disproportion et l’atteinte à la liberté d’expression que constituerait cette loi. Parmi d’autres réactions d’internautes sur les forums ; « Complètement idiot. Une amende serait totalement adaptée à ce type de petit délit… » ou encore « On ne se rapproche plus de la dictature, on y est! ». Benjamin Suchar, créateur de Check My Metro, s’y est également ouvertement opposé sur l’antenne de LCI : « C’est une loi complètement disproportionné et liberticide. Sous prétexte de lutte contre le terrorisme on commence à mettre tout et n’importe quoi… et on fait des lois qui vont vers la sécurité au détriment de notre liberté. » Même si ces propos restent discutables, difficile de nier la tendance sécuritariste du gouvernement, entérinée par la loi Cazeneuve, puis, par l’instauration et la prolongation de l’état d’urgence.
Quant à l’utilité financière de cette réforme, elle pourrait également être remise en question, ou en tout cas recontextualisée. En réalité, il s’avère que la RATP n’a fait qu’augmenter ses tarifs, ainsi que son bénéfice net ces dernières années. Par ailleurs, le préjudice de la fraude s’élève plus exactement à 366 millions d’euros (stats RATP-SNCF) et ne connaît pas de hausse particulière. Et cela n’empêche pas la RATP, entreprise vendant un service public, et ne visant donc pas l’accroissement du bénéfice, de culminer à 302 millions d’euros de bénéfice pour l’année 2015 (298 millions en 2014).
Jordan Philippy
700 mots tout pile (selon word, comme prévu, sans le chapeau)
« Site d’information à contre-courant », Communiqués et Bilans financiers RATP-SNCF-STIF, Interventions politiques (TV : LCI – BFM ), Communiqués Assemblée Nationale et Sénat.